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Nuri Bilge Ceylan, réalisateur

"Le numérique, une liberté d'expérimentation"


Jacques Mandelbaum, Le Monde, 16.01.2007

 

Nuri Bilge Ceylan est né en Turquie en 1959. Il a étudié la réalisation à l'université Mimar Siman d'Istanbul et pratique aussi la photographie. Tous ses films ont été sélectionnés dans des festivals internationaux : ses deux premiers longs métrages, Kasaba (1997) et Nuages de mai (1999) à Berlin ; son premier court métrage, Koza (1995), et ses deux derniers longs métrages, Uzak (2003) et Les Climats (2006) à Cannes.

Tous vos films ont une forte empreinte autobiographique. Mais c'est la première fois que vous interprétez vous-même le rôle principal. Pourquoi ?
Cela faisait longtemps que je voulais consacrer un film à la relation entre un homme et une femme. J'ai été marié deux fois, j'ai vécu des choses douloureuses. En discutant avec ma femme, l'idée nous est venue d'interpréter nous-mêmes ce couple. Personnellement, je ne l'aurais jamais fait si j'avais pensé que je ne correspondais pas à ce rôle. J'en avais l'intuition profonde et c'était difficile de demander à des acteurs de reproduire cette expérience, de simuler un état de confusion mentale comme celui-ci. Mais je crois que je ne recommencerai jamais, c'est trop épuisant d'être à la fois derrière et devant la caméra. J'ai eu l'impression, comme metteur en scène, de perdre trop de maîtrise.


Votre femme a-telle accepté ce rôle sans difficulté ?
Elle a été immédiatement d'accord. Nous étions partis en week-end, l'idée nous est venue à midi, et nous sommes immédiatement descendus à la plage pour improviser devant la caméra que j'avais posée sur un pied. C'était ce qui allait devenir l'une des premières scènes du film. Nous nous sommes trouvés plutôt bons. Ce n'est qu'après que nous nous sommes mis à écrire le scénario, qui à son tour a changé au fur et à mesure du tournage.


Cette idée ne vous a-t-elle pas paru dangereuse pour votre couple ?
D'abord, ce n'est pas un film autobiographique, c'est une véritable fiction que nous interprétons. Ensuite, nous formons un couple qui ne s'effarouche pas de la noirceur de la vie.


Pourquoi le choix de tourner avec une caméra numérique ?
Cette technologie est enfin arrivée à un niveau satisfaisant en matière de définition et de précision, y compris dans la profondeur de champ. Elle permet aussi une liberté d'expérimentation qu'on ne peut se permettre avec de la pellicule, depuis le nombre illimité de prises jusqu'à la possibilité de voir le résultat immédiatement.
C'est très important pour moi, car cela permet de régler l'image selon son désir, aussi facilement qu'un peintre le ferait avec sa toile. Cela signifie que le format film est mort, en tout cas pour moi.


Propos recueillis par Jacques Mandelbaum